Yolanda, couturière au service des communautés

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Yolanda, couturière au service des communautés

Aidez nous à nous faire connaitre !

Ahuana fête cette année ses 20 ans. Vingt années de projets, de promotion de la culture indigène et de prise d’autonomie de la part des femmes des communautés de la parroquia de Calpi. A cette occasion, l’équipe Ahuana vous propose de partir à la rencontre de ces femmes. Entre responsables des projets et intervenants, découvrez comment le rôle et le poids de ces femmes ont évolués dans la vie des communautés. Commençons par Yolanda, professionnelle du tissage au service des femmes de Palacio Real et de la Moya.

Bonjour Yolanda, peux-tu te présenter de manière générale?

Je m’appelle Yolanda, j’ai 58 ans, 3 enfants et je vis actuellement dans la province du Chimborazo où j’ai grandi. Cela fait maintenant 36 ans que je forme des personnes au métier du tissage en Equateur, ainsi qu’à Madrid où j’ai vécu 4 années. Parlant l’espagnol et le Kichwa, j’ai eu l’opportunité de former des personnes venant des villes mais aussi des communautés indigènes. Je suis réputée pour être une femme exigeante dans mon métier, ce qui m’a permis d’être reconnue pour mon expertise dans les nombreux endroits où j’ai pu travailler.

Que fais-tu pour ces communautés ?

Suite à la demande du Padre Pierrick, je donne aujourd’hui des cours de tissage pour les femmes dans les communautés de Palacio Real et de la Moya. Le but de mon intervention est d’initier les femmes à des méthodes de tissages complexes, exigeantes mais avec un rendu de qualité, permettant ainsi de meilleures ventes auprès des touristes pour des produits faits main. En travaillant la laine de lama et d’alpaga, je m’efforce de leur transmettre différentes méthodes de travail afin qu’elles puissent produire différents vêtements : des pulls, des gants, des ponchos mais aussi des porte-clés lama, etc.Ces apprentissages demandent du temps, et c’est pour cela que je suis à La Moya le jeudi pendant 4h et à Palacio Real le mardi et le jeudi de 8h à 17h. Il est parfois difficile pour les femmes de venir assister aux cours car celles-ci ont beaucoup de choses à faire : elles sont en effet en charge de l’éducation des enfants, mais sont également nombreuses à travailler dans les champs.

En parlant des femmes, comment sont-elles considérées dans les communautés indigènes en règle générale ?

Dans ces communautés, le rôle des femmes est considéré comme secondaire alors qu’elles font beaucoup tous les jours. Mariées et ayant des enfants très tôt, celles-ci sont vites cantonnées à des tâches primaires de la campagne. Entre le troupeau, les enfants, le tissage, les tâches ménagères, elles se retrouvent vite enfermées dans une routine les empêchant d’être véritablement considérées. De ce surmenage vient l’isolement de ces femmes qui ne sortent que pour travailler, ne se parlent pas et surtout ne s’entraident pas. Victimes également de différentes formes de maltraitance de la part de leur mari, elles sont alors dans une position délicate qui doit changer !

Dans les communautés où les projets de tourisme communautaire ont été développés, est-ce que tu vois une évolution du rôle de la femme ?

Cela fait maintenant dix ans que je vois une évolution du comportement des femmes dans les communautés où les projets de tourisme communautaire se sont développés. Depuis l’arrivée du Padre Pierrick, les femmes ont plus de poids, notamment d’un point de vue économique, à Palacio Real et à La Moya. Tout d’abord, les projets sont faits pour donner de l’indépendance aux femmes, grâce à un travail responsabilisant (par la gestion d’un restaurant, d’un musée), mais également grâce un revenu supplémentaire. Ces différentes initiatives leurs ont permis d’avoir des fonds importants, de les redistribuer entre elles mais aussi à la communauté. Par exemple, les pulls sont vendus au magasin de Palacio, l’association en récupère 4-5$ puis la majeure partie des bénéfices est perçue directement par la femme qui a fabriqué le pull vendu. Ce mécanisme permet aux femmes de gagner plus d’argent et donc d’avoir plus de poids dans les discussions du fait de leurs revenus.

Un autre changement notable : l’entraide. Aujourd’hui, ces femmes savent qu’elles ne sont plus seules, et ainsi est née une cohésion, un esprit de groupe et un sens de l’échange qui leur permet d’intervenir directement dans la vie de la communauté. Grâce aux différentes initiatives de l’association, comme les cours de tissages, celles-ci se réunissent, échangent, mettent en place de nouvelles idées et s’affirment. J’observe un réel changement de mentalité dans ce sens, puisque les communautés sont aujourd’hui beaucoup plus unies.

Ces femmes aujourd’hui ont donc une vraie place dans les communautés et sont bien plus affirmées que par le passé !

Pour finir, est-ce que tu aurais des idées de projets d’amélioration pour ces femmes ?

Etant donné que je connais peu les autres projets je vais plus parler de ma spécialité : le tissage. Même si ces femmes progressent, huit semaines de cours ne suffisent peut-être pas… Pour moi, il serait vraiment intéressant de mettre en place une formation à l’année, le rythme des cours pouvant être moins fréquent mais dans la longévité. Les touristes qui viennent dans ces communautés sont généralement exigeants et accordent beaucoup d’importance à la qualité, mais aussi à la diversité des produits qui leurs sont proposés. Ces cours permettraient donc aux femmes de tisser de nouveaux modèles avec de nouvelles couleurs, de nouvelles formes, afin que les touristes voient une différence et que ceux-ci puissent bénéficier de produits de qualité.

Si vous envisagez de voyager en Equateur prochainement, n’hésitez pas à passer nous voir dans les communautés de Calpi, près de Riobamba, elles représentent un point de départ idéal pour se rendre au Chimborazo, à l’Altar, à Riobamba ou encore au marché traditionnel de Guamote.

Ecrit par |2018-03-21T03:23:24+00:0021 mars 2018|0 commentaire

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